Fron(t)daisons
La forêt fut longtemps le lieu des révoltés. À l’écart des remparts, les Robins et autres tire-laines médiévaux rejoignent dans notre imaginaire les maquisards ou les zadistes. Il ne s’agit pas ici d’énoncer des équivalences ou d’afficher un anachronisme de la pire espèce mais plutôt de souligner que la forêt accueille avec une bienveillance toute naturelle les réprouvés du système en place, tous les « hors remparts » en quelque sorte. Cabanes des Neg’ marrons de Guyane ou isbas bricolées des trappeurs sibériens fuyant la Kolyma, ces caches ombragées en disent long sur la vocation de la forêt d’accueillir la parole en lutte.
Mais plus que la nécessité de trouver un refuge à l’abri des regards de l’ordre, il s’agirait aussi de remonter le temps ; en somme, de nier l’évidence du cours des choses et de réécrire une autre histoire. Si les chasseurs-cueilleurs sont devenus des éleveurs « protégés » l’on pourrait imaginer que ce retour à la forêt est une tentative symbolique de réécrire l’histoire, une autre épopée serait alors possible où les villes et les États seraient davantage des communautés que des pyramides, des entités plus soucieuses du bonheur que de garantir le bien-être et la propriété pour reprendre la célèbre distinction aristotélicienne.
Revenir aux arbres pour refonder les villes en quelque sorte. Repartir à zéro disent les enfants ou le Gébé de l’an 01 ; la référence s’impose en ces temps du cinquantenaire de mai 1968. Revivre tout nu dans les futaies et les hautes fougères pour revivre l’Eden avant la chute et se dire que sortir couvert ne veut pas dire forcément recouvert, enseveli sous le lourd manteau des sociétés disciplinaires devenues aujourd’hui clairement sociétés du contrôle. Et, un jour, au creux des sous-bois, l’on sera heureux que « rien ne passe » et que l’on abandonne le sacro-saint portable pour oser des échanges réels : c’est quand « rien ne passe » que « ça se passe » dirait-on parodiant volontiers Lacan.
La forêt est lieu d’utopie et d’invention et, du Monte Verita au Black Mountain College, l’on s’est retiré des cités en fureur pour imaginer un enseignement sans contrainte institutionnelle. Ainsi si cette édition semble inquiète du bruit du monde, soucieuse par exemple des autres éditions de Back to the Trees qui, du Canada au Bangladesh, s’écrivent par forêts interposées, elle ne manifeste pourtant aucune hégémonie ni ne réclame aucune préséance. Nous souhaitons juste établir le constat d’un essaimage qui finalement nous rassure : les bois du Tout-Monde ne sont pas vidés des peuples en lutte. L’environnement n’est pas un décor et Spinoza n’en finit pas d’avoir raison contre Descartes : l’homme n’est pas un empire dans un empire.
Écologiquement parlant, tout ce qui arrive à la forêt nous touche un jour ; aussi espérons-nous culturellement que ce qui se dira et se montrera à l’abri des grands arbres vous touchera également de jour comme de nuit de discussions en enchantements.
Conçu par Elektrophonie et l’ISBA avec la complicité de nombreux partenaires dont cette année la municipalité de Saint-Vit et l’agglomération du Grand Besançon, notre Back to the Trees vous invitera à une déambulation toute pleine de surprises sonores et visuelles et nous rappellera – Rousseau n’est jamais loin de nous – que l’odeur de la chlorophylle est souvent celle de la liberté.
Espérons donc que le Bois d’Ambre saura cette année vous attirer toujours plus nombreux et fervents, tous les espoirs sont permis car après tout, les Grecs aux Bois Sacrés ne nommaient-ils pas l’ambre « elektron » (ἤλεκτρον), sensibles à ses propriétés centrifuges ?
Laurent Devèze
Les œuvres
• À Chamblay dans les Bois #2 • Évocations sonores de Clémence Culic (France)
• Albatros • Lecture et musique par le collectif La Méandre (France)
• Attractions • Performance en collaboration entre Christine Douxami (France), Guy Freixe (France) et des étudiants de Licence et Master d’arts du spectacle de l’Université de Franche-Comté (France)
• Barque #2 • Sculpture de Thomas Perrin (France)
• Bois sacré, les conséquences de l’objet • Installation plastique de Serge Galliot (France)
• Canne à Sel • Conte-poème d’Anooradha Rughoonundun (France)
• Chauve-Souris • Installation plastique de Mauro Corda (France)
• Création musicale spontanée de Xavier Martin (France)
• Éc(h)ographisme • Performance sonore et visuelle de Gilles Malatray (France) et David Bartholoméo (France)
• Écailles • Installation plastique de Julien Bouley (France)
• Frères des Arbres – L’Appel d’un Chef Papou • Film de Marc Dozier (France) et Luc Marescot (France)
• Frutas Exoticas • Sculptures de Myriam Grosso (France)
• Futaie Futée #4 • Installation sonore de l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Besançon (France)
• Hic et Nunc • Création sonore de Pierre-Laurent Cassière (France)
• Homo Narcisse • Sculpture de Dylan Merlano Leemans (France)
• Irradié. Voyageur immobile • Performance de Maxime Carasso (France)
• L’Invisible visible • Installation plastique de MarieCécile Casier (France)
• La Beste #3 • Sculpture de Vanly Tiene (Côte d’Ivoire)
• Le Bout du Monde • Dessins de Maureen Colomar (France)
• Le Chant du Lierre • Performance de Julien Blaine (France)
• Le Chemin de l’Ambre • Création sonore de l’école primaire Jouffroy d’Abbans (France) avec Aurélien Bertini (France) et Corsin Vogel (Suisse)
• Le Festin baroque • Conférence d’Anne-Lise Wuillamier (France) et Laurent Devèze (France)
• Le Pollen, témoin des paysages passés • Atelier scientifique de Fanny Duprat Oualid (France) et Emilie Gouriveau (France)
• Licorne • Théâtre et musique par Ciconia Théâtre (France)
• Mémoires d’Arbres • Installation vidéo de l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Besançon (France)
• Mouvements imaginaires • Installation plastique de Jean-Baptiste Fayol (France)
• Nature en Soi • Atelier de Miryam Eckert (France)
• Pattes d’Oiseaux • Installation plastique d’Anne-Claire Jullien (France)
• Pavillon Varese • Installation plastique et sonore de Corsin Vogel (Suisse)
• RandOlyric • Promenade chantée par Vincent Karche (France)
• Résines • Sculptures de Thomas Perrin (France)
• Shaking the Trees • Installation cinétique de Ben Farey (France)
• Station d’écoute en suspension • Installation sonore de Brane Project (France) et IdéeHaut (France)
• Street Life – Dans le Bras d’Eau • Lecture de Joseph Mitchell (États-Unis) par François Tizon (France)
• Structure atomique ordonnée • Installation plastique d’Alexandre Domini (France)
• Sysiphe • Performance de Claude Boudeau (France)
• Totems #2 • Sculptures de Julien Zoh Nihouah (France)
• Tous les hommes s’appellent Robert • Film de Marc-Henri Boulier (France)
• Un ornithologue perché dans un arbre • Création sonore d’Olivier Toulemonde (France)
• Vacío Pictório • Installation plastique de Valery Merlano Leeman (France)
• Wood • Installation plastique de Guillaume André (France)
• Xantos • Sculpture de Gérald Colomb (France)
Organisation
Elektrophonie et l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Besançon
avec la complicité de la commune de Saint-Vit, l’Université de Franche- Comté (VIVO ! Entrez en nature et CIMArtS), RandOlyric, la Citadelle de Besançon, l’Espace Multimédia Gantner, le Festival Atmosphères, Lato Sensu Productions et le Mouvement Colibris